LES ADDICTIONS

Du plaisir à la dépendance

Alcool, tabac, nourriture, drogue, mais aussi jeux d’argent, écrans, sexe… les addictions peuvent prendre bien des formes. Cela commence par le besoin de se sentir mieux, la découverte de nouvelles sensations. Puis, la recherche du plaisir se transforme peu à peu en véritable descente aux enfers. Quand doit-on s’inquiéter ? Comment retrouver sa liberté ?

Lorsqu’une personne ressent le besoin impérieux de consommer telle ou telle substance ou de s’adonner sans limite à telle ou telle pratique, en dépit des conséquences négatives que cela peut avoir sur sa santé physique ou sur sa vie sociale et personnelle, on peut alors parler de véritable addiction.

« Elle est liée à la vulnérabilité de l’individu face aux signaux de plaisir envoyés par un neurotransmetteur dans son cerveau, explique la Fédération pour la recherche sur le cerveau (FRC). Elle se traduit par des comportements compulsifs incontrôlés et irraisonnés, qui peuvent donc s’appliquer non seulement à des produits mais aussi à des activités telles que le jeu, le sexe, l’exercice physique ou le shopping ».

Tout le monde ne devient pas « addict » du jour au lendemain, au premier contact avec une drogue ou avec un comportement. L’usage, d’alcool ou de drogues, par exemple, commence par être « récréatif », avant de devenir excessif, quand la personne se voit obligée de renouveler de plus en plus fréquemment sa consommation afin de retrouver un état normal et de compenser le manque. Pour finir, l’usage devient pathologique lorsqu’elle perd tout contrôle sur son envie de consommer. Bien qu’elle sache que cela lui fait du mal, elle est prise dans une spirale infernale et perd son libre arbitre. Pour évaluer le degré de dépendance, les médecins du monde entier s’appuient sur des critères précis pour poser leur diagnostic.

Répertoriés dans le « Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (Diagnostic and statistical manual of mental disorders — DSM) » de l’American psychiatric association, ils sont au nombre de onze :

  • un besoin impérieux et irrépressible de consommer une substance ou de jouer (craving) ;
  • la perte de contrôle sur la quantité et le temps dédié à la prise de substance ou au jeu ;
  • beaucoup de temps consacré à la recherche de substances ou au jeu ;
  • une augmentation de la tolérance au produit addictif ;
  • la présence d’un syndrome de sevrage, c’est-à-dire de l’ensemble des symptômes provoqués par l’arrêt brutal de la consommation ou du jeu ;
  • l’incapacité de remplir des obligations importantes ;
  • l’usage même lorsqu’il y a un risque physique ;
  • des problèmes personnels ou sociaux ;
  • un désir ou des efforts persistants pour diminuer les doses ou l’activité ;
  • des activités réduites au profit de la consommation ou du jeu ;
  • la poursuite de la consommation malgré les dégâts physiques ou psychologiques.

La présence de deux à trois critères indique une addiction faible. Entre quatre et cinq, le médecin considère alors que son patient souffre d’une addiction modérée. Dans le cas de six critères ou plus, l’addiction est qualifiée de sévère.

Contrairement aux idées reçues, l’addiction ne reflète pas une faiblesse ou un manque de volonté chez l’individu dépendant. Les substances psychoactives agissent sur le système cérébral, l’envahissent, modifient son fonctionnement. Le cerveau subit des perturbations complexes de ses mécanismes, entraînant une perte totale de contrôle du comportement chez ces personnes. Il s’agit donc d’une maladie neurologique qui doit être considérée et traitée comme telle.

Légales ou illégales : un aperçu des addictions les plus répandues

L’alcool et le tabac, tous deux légaux, sont des substances qui rendent très rapidement accros. Le cannabis, illégal en France, présente un moindre potentiel addictif. Les drogues illicites dites ‘dures’, comme la cocaïne, l’héroïne ou l’ecstasy sont quant à elles extrêmement génératrices d’addiction. Paradoxalement, en France, ce sont les deux produits légaux que sont l’alcool et le tabac qui sont les plus meurtriers et qui coûtent le plus cher à la société. On notera également que depuis quelques années, de nouvelles drogues de synthèse se répandent à travers le monde : fabriquées de façon « artisanale », par exemple à partir de produits ménagers en vente libre, elles sont d’autant plus dangereuses que leurs effets sont puissants, leur coût faible et leur composition mal contrôlée.

Jeux, sexe, shopping : peut-on parler de nouvelles addictions ?

Les addictions comportementales telles que le jeu pathologique ou l’hypersexualité font appel aux mêmes stimuli que la prise de substances psychoactives sur le cerveau de l’individu dépendant : le plaisir et le soulagement éprouvés lorsque l’activité est pratiquée sont les mêmes que lors de la consommation de substances. A partir du moment où l’individu n’arrive pas à maîtriser la pratique de l’activité et souffre quand il fait autre chose que cela, on est bien dans un cas d’addiction. Alors, la mémorisation et la simple anticipation mentale de l’expérience, de son contexte, de son environnement ou des personnes liées à sa pratique stimulent les neurones impliqués dans le système de récompense.

Le processus de l’addiction

Tout le monde ne devient pas « accro » du jour au lendemain, au premier contact avec une drogue ou avec un comportement : l’addiction est un processus plus ou moins rapide, qui voit les individus augmenter progressivement la fréquence et la quantité de leur consommation.

  • Les usages dits « récréatifs »

Il s’agit des consommations ponctuelles, éventuellement festives et à des doses restreintes : un verre de vin pendant le repas, une cigarette pendant une pause-café, un joint occasionnel… De plus en plus, ces usages concernent aussi des substances telles que la cocaïne ou l’ecstasy. S’ils ne dérivent pas systématiquement vers l’addiction, ces comportements ne sont cependant pas sans risque : sécurité routière, comportements sociaux à risque, violence, accident de santé…

  • Les usages excessifs

Ce sont les consommations fréquentes d’une quantité non négligeable d’alcool ou de drogues. Ces usages entraînent des modifications au niveau du système cérébral qui, envahi par ces substances, devra retrouver un équilibre pour fonctionner normalement. En cas d’usage de drogues stimulantes comme la cocaïne ou les amphétamines, une sensation désagréable appelée communément « le manque » se fait alors sentir de façon plus ou moins forte selon la substance ingérée. Pour retrouver son état normal l’individu devra renouveler sa consommation. Ces comportements ont une incidence sur la santé physique et mentale de la personne : atteintes au foie, aux poumons, anxiété, dépression, risque suicidaire…

  • Les usages pathologiques

Ils se caractérisent quant à eux par l’incapacité de l’individu à résister à son envie de consommation, bien qu’il soit averti des conséquences néfastes qu’elle aura sur lui et son environnement personnel et professionnel. Les personnes accros sont plus vulnérables aux « messages » de bien-être transmis par la substance à leur cerveau. Ils ne contrôlent plus leur comportement face au produit ou à l’activité à laquelle ils sont accros, la partie de leur cerveau gérant le libre-arbitre étant affectée. Maladies, exclusion, paupérisation et, dans le pire des cas, la mort, sont autant de dangers qui menacent les addicts.

De la consommation à l’addiction : des facteurs de risque multiples

La survenue d’une addiction repose sur trois composantes : l’individu, le produit et l’environnement.

Des facteurs individuels

L’âge, le sexe, la maturité cérébrale, la personnalité et l’humeur d’un individu jouent un rôle important sur son risque individuel d’addiction. L’initiation précoce et le sexe masculin constituent des vulnérabilités spécifiques. Ainsi, commencer à consommer de l’alcool au début de l’adolescence multiplie par dix le risque de devenir alcoolo-dépendant à l’âge adulte, par rapport à une initiation plus tardive vers l’âge de 20 ans. Les personnes anxieuses, au caractère introverti, ou encore avec une tendance dépressive, ont un risque accru de dépendance, tout comme celles avides de sensations fortes.

Sur le plan neurobiologique, le niveau d’activité des neurotransmetteurs qui régissent notre fonctionnement et notre comportement peut varier d’un individu à l’autre et constituer chez certains une vulnérabilité vis-à-vis du risque d’addiction. Des perturbations des systèmes dopaminergique (impliqué dans le circuit de la récompense), cannabinoïde (homéostasie cellulaire) ou sérotoninergique (humeur), notamment, sont associées à une telle vulnérabilité. Cette disparité neurobiologique repose principalement sur des facteurs génétiques. Les gènes influençant le métabolisme des drogues (et donc leur disponibilité dans l’organisme) et ceux intervenant dans le mécanisme de neurotransmission du circuit de la récompense seraient par exemple impliqués. Ainsi, l’allèle A1 du gène du récepteur à la dopamine (DRD2) constituerait un facteur de risque d’addiction, via la « recherche d’expériences » au sens large et des comportements impulsifs ou compulsifs.

Des variations génétiques expliquent aussi en partie la variabilité des effets ressentis par chacun face à une même drogue. Elles peuvent être favorables à l’émergence d’une addiction. Des consommations associées à des sensations agréables et des effets positifs sur le fonctionnement psychique (désinhibition, oubli des problèmes, amélioration des performances…) sont en effet une incitation à renouveler l’expérience. Il en est de même en cas de tolérance spontanée élevée à une substance, avec des effets positifs et modérés.

Des produits/pratiques au potentiel addictif variable

Du côté du produit, l’addiction peut s’installer plus ou moins rapidement : après une ou quelques prises (crack, cocaïne...), plus progressivement, voire très lentement (alcool, jeux…). Tout dépend du potentiel addictif de la substance ou de la pratique, qui dépend lui-même de la nature et de l’intensité de son interaction avec les neurotransmetteurs. Le tabac, puis l’héroïne, la cocaïne ou l’alcool sont ainsi les produits les plus à risque et dont la consommation problématique est la plus fréquente. Concernant les jeux vidéo, ceux « en réseau », notamment en mode multi-joueurs, sont réputés plus addictogènes que les autres.

Des facteurs environnementaux

Enfin, l’influence de l’environnement (stress, contexte social et amical, présence de troubles psychiques…) est aussi déterminante. Par exemple, le principal facteur de risque de dépendance au tabac est d’avoir grandi au sein d’un foyer de fumeurs facilitant l’accès au tabac. De même que l’addiction au cannabis est fortement associée au fait d’avoir eu des amis fumeurs au moment de l’adolescence.

L’ADDICTION AUX JEUX VIDÉO

En 2018, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a ajouté le « trouble du jeu vidéo » dans la section consacrée aux troubles liés à des conduites addictives de sa Classification internationale des maladies (CIM). La seule composante de cette catégorie était jusqu’alors l’addiction aux jeux d’argent. Même si cette addiction aux jeux numériques et aux jeux vidéo ne touche qu’une petite partie des 2,5 milliards d’utilisateurs dans le monde (la prévalence est évaluée en moyenne à 4,7 %, d’après 27 études réalisées entre 1998 et 2016 dans 14 pays d’Europe, 8 pays d’Asie du Sud-Est, les États-Unis, l’Australie…*), l’organisation demande à tout joueur de rester « attentif au temps passé sur les jeux, en particulier si ses activités quotidiennes en pâtissent ».

Source : Institut fédératif des addictions comportementales (Ifac) – Ifac-addictions.fr.

LES JEUNES ACCROS AU SMARTPHONE ET À INTERNET

Certains jeunes (et même certains adultes) ressentent de l’angoisse dès qu’ils ne peuvent plus utiliser leur téléphone portable et qu’ils ne sont donc plus connectés aux réseaux sociaux.

Cette dépendance psychologique au mobile a un nom : la « nomophobie » (terme issu de la contraction de « no mobile phone phobia »). Le cabinet d’étude YouGov, révélait en 2015 que 53 % des utilisateurs de téléphone portable au Royaume-Uni ressentaient de l’anxiété en cas de perte, de batterie faible ou d’insuffisance de crédit.

L’usage excessif du smartphone n’est pas à proprement parler une maladie. Dans certains cas extrêmes, il peut néanmoins affecter la vie personnelle, la scolarité ou encore le sommeil, des symptômes qui font penser à une véritable addiction.

Addictions aux jeux d’argent

Être addict aux jeux d’argent présente des risques à bien des niveaux, qu’ils soient financiers, familiaux, professionnels ou personnels. Il est important de déterminer son niveau de dépendance pour mieux se libérer. Il est en effet possible de guérir l’addiction aux jeux d’argent.

La dépendance aux jeux d’argent est une forme d’addiction dite comportementale. Cette notion est établie dès lors que l’activité ne se limite plus au simple plaisir. Devenue excessive, elle n’est plus adaptée à la vie quotidienne, se répète et persiste au point de devenir la seule préoccupation du joueur. L’intéressé devient alors un joueur pathologique. Dans certains cas, il adopte une conduite compulsive. Il est incapable de se libérer de son habitude et de décider librement l’arrêt de son activité addictive. Le jeu d’argent est pour lui une réelle obligation. La dépendance aux jeux d’argent est tout à fait similaire à d’autres formes de dépendance comme celle à l’alcool, à la pornographie ou aux médicaments par exemple.

L’addiction aux jeux d’argent a plusieurs conséquences. Bien entendu, elle entraîne un investissement financier de plus en plus important, voire sans aucune mesure avec les moyens du joueur pathologique.

Les conséquences sont également d’ordre social. Le joueur pathologique s’exclut de son cercle familial et/ou amical, car la pratique du jeu d’argent occupe la majeure partie de son temps. Chaque perte d’argent donne lieu à l’envie irrépressible de tenter de regagner la somme perdue, ou de se « refaire ».

L’addiction aux jeux d’argent peut en outre être constatée chez les personnes qui souhaitent fuir leur quotidien pour diverses raisons : difficultés professionnelles, problèmes de couple, mésentente familiale, insatisfaction personnelle.

Ce type d’addiction risque d’entraîner le joueur pathologique qui a perdu beaucoup d’argent à emprunter à des membres de sa famille ou à des amis. À défaut, il peut se tourner vers des solutions illégales pour tenter de combler ses pertes financières. Parmi ces solutions, on retrouve le plus souvent le détournement de fonds et le vol.

Les joueurs pathologiques sont en grande majorité des hommes, quadragénaires, souvent pères de famille. Ils pratiquent des jeux de hasard pur (roulette, machines à sous) ou de jeux mêlant hasard et stratégie (paris sportifs, poker, black jack). Le point de départ de leur pathologie est toujours un gain initial qui génère une émotion très positive et les incite à rejouer pour revivre ce moment « magique ». Puis le jeu et le gain s’imposent vite comme une manière de se sentir bien. Mais les pertes successives incitent le joueur à retenter inlassablement sa chance dans l’espoir de « se refaire », en augmentant les mises à mesure que les pertes s’accroissent. Les raisonnements deviennent erronés et vont à l’encontre des lois de probabilité que les joueurs connaissent pourtant généralement bien. Il s’écoule généralement plusieurs années entre le début du jeu et le moment où l’addiction est constituée.

S’il existe des traitements qui marchent, le risque de rechute reste élevé pour une personne accro : même des années après l’arrêt de la consommation, le cerveau se souvient des sensations positives, de la récompense qu’il a reçu – ce qui rend la personne accro fragile. Aussi la prévention joue-t-elle un rôle primordial. Elle permet de sensibiliser le grand public afin d’éviter l’exposition aux comportements les plus à risques. Elle apporte des connaissances plus approfondies sur cette véritable maladie neurologique, et à terme, une prise de conscience de ses conséquences parfois dramatiques.

Quelques chiffres dans le monde :

  • 5% des 15-16 ans ont expérimenté la cocaïne
  • 30% de fumeurs de tabac au quotidien
  • 4 millions de décès chaque année à cause du tabac (1èrecause de mort évitable)
  • 750 000 morts par an à cause de l’alcool (dont 45 000 en France)

Article by TolAniKE

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