Cela fait quelques jours déjà que je suis à Nikki en temps qu’hôte du sina dunwiru, premier ministre à la cour royale de Nikki. Tous les jours, entre deux prières, je viens m’asseoir sur une des grandes nattes étalées dans la case où il reçoit tout ses hôtes, lui assis sur une peau d’animal (de bœuf sûrement). C’est là qu’il me raconte l’histoire de Nikki, telle qu’elle lui a été racontée et que j’essaie de vous raconter aussi.
Nous sommes très souvent interrompus par quelqu’un qui vient demander conseil, un autre qui vient prendre des nouvelles de son excellence, tel groupe qui vient porter allégeance, certains amis qui viennent parler de tout et de rien, l’appel à la prière du muezzin, un enfant, cousin ou neveu qui vient lui chuchoter quelque chose à l’oreille… ou un appel téléphonique.
Dans cette petite case passe et repasse un nombre indéterminé de personnes à tout moment de la journée. Ne parlant pas bariba, je reste là, parfois, à écouter mais sans comprendre les conversations. Des fois ce sont des sujets apparemment importants vu le sérieux dans le visage du visiteur ou du sina dunwiru lui-même. D’autres fois, le premier ministre essaie de mettre fin à la conversation mais son interlocuteur rebondit sur le même sujet ou sur un autre. Je sens la lassitude dans son visage mais son rang social l’oblige à se retenir et à contenir l’individu jusqu’à ce que ce dernier décide enfin de partir non sans avoir vidé toutes ses cartouches.
Plusieurs sujets sont abordés lors de nos entretiens. L’histoire de Nikki, évidemment, mais aussi la religion, les us et coutumes, les classes sociales…
Ce qui retient plus mon attention dans le récit de ce jour est l’histoire de ceux qu’on appelle les gando chez les Bariba. Il y a deux catégories de gando. La première se compose
des personnes capturées par les Wassangari lors de leurs nombreuses razzias tout le long de leur périple jusqu’à Nikki. Ces prisonniers jouent le rôle de serviteurs ou d’esclaves à la cour royale ou travaillent comme ouvriers dans les champs par exemple.
La deuxième catégorie de gando est issue des enfants de princes ou autres dignitaires de Nikki. Selon une des croyances du milieu, les enfants qui naissent par le siège ou par d’autres façons anormales, ceux qui naissent avec des dents ou qui les poussent par le haut, ceux qui naissent avec des malformations, sont porteurs de mauvaise augure ou de malédiction. Ces enfants à leur naissance ne peuvent donc pas rester dans les familles au risque d’attirer le malheur sur ces dernières. Ils sont confiés aux Peulhs qui se chargent de les garder avec eux en brousse. Ces bébés sont posés au milieu des troupeaux. Si les ‘’mauvais esprits’’ qui les habitent veulent opérer, ils sont retenus par les animaux dans la brousse de telle manière qu’ils ne puissent venir importuner les habitants du royaume. Cette deuxième catégorie de gando est donc condamnée à vivre avec les Peulhs et les animaux en brousse. Bien qu’ils soient des enfants de princes, ils sont interdits d’habiter au sein de leurs communautés et ne peuvent au grand jamais accéder un jour au trône de Nikki.
A suivre…
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