LA BEAUTE NOIRE VS LA DEPIGMENTATION

Beauté noire

Au commencement, il y avait en Afrique Noire, des femmes au teint ébène. Aujourd’hui, lorsqu’on se promène dans la plupart des villes africaines, on remarque que les femmes au teint noir sont en voie de disparition. La majeure partie des africaines pratiquant la dépigmentation de la peau.

Il n’est donc pas étonnant de rencontrer des femmes à deux ou trois couleurs de peau. Les plus malchanceuses se retrouvent avec un visage brûlé au second degré, des tâches et points noirs sur le corps, des vergetures sur tout le corps… Les motivations sociologiques profondes qui sous-tendent un tel phénomène, les multiples conséquences socioculturelles, économiques et surtout cliniques sont autant de prétextes qui ralentissent souvent la lutte contre la pratique de dépigmentation. L’ampleur de ce nouveau phénomène de société est impressionnant.

La dépigmentation de la peau est apparue en Afrique à la fin des années 60. L’éclaircissement de la peau par différents procédés est pratiqué dans plusieurs régions d’Afrique, mais les principaux pays touchés par ce phénomène sont le Togo, le Sénégal, le Mali, le Congo (où beaucoup d’hommes s’éclaircissent la peau également), la Côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud.
Il semblerait que près de 90% des femmes qui utilisent des produits éclaircissants le font pour un ordre esthétique. Plusieurs personnes invoquent le fait que si les femmes s’éclaircissent la peau c’est pour l’unique raison que les femmes sont persuadées que les hommes préfèrent les femmes claires.

Au Bénin, le phénomène est de plus en plus croissant. De nombreuses associations et personnes élèvent leurs voix sur le sujet. Caludia Togbe d’Origine Terre a réalisé dernièrement une grande campagne publicitaire de lutte contre la dépigmentation notamment celle réalisée sur les bébés. Un sujet inquiétant : nos jeunes mères béninoises dépigmentent dès la naissance la peau de leur bébé. Une pratique dangereuse et nocive pour notre population.

Nous nous sommes penchés sur le sujet de la dépigmentation comme enjeu de santé publique en reprenant ses origines, expliquant ses procédés pour en venir au sujet qui nous intéresse la mise en avant de la beauté noire. Une magnifique couleur de peau à valoriser.

 

LA DEPIGMENTATION, EN AFRIQUE DES VOIX S’ELEVENT  

Une artiste camerounaise a publié le 18 juin 2019 une lettre ouverte aux industries du pays spécialisées dans la dépigmentation de la peau. Une tentative de plus pour sensibiliser hommes et femmes à ce phénomène qui, malgré ses ravages, demeure très en vogue.

La pratique a toujours le vent en poupe sur le continent, malgré sa dangerosité avérée. Le problème de la dépigmentation de la peau a de nouveau fait la une de plusieurs médias africains en cette fin d’année, après que la célèbre artiste camerounaise Mani Bella a posté un message destiné aux chimistes de son pays, spécialisés dans le blanchissement de la peau. Sur son compte Facebook, la jeune femme tente de sensibiliser les Camerounais aux effets néfastes du blanchissement de la peau, qu'elle-même a expérimenté à de nombreuses reprises et regrette aujourd'hui. La pratique est dénoncée depuis des années en Afrique mais, plus qu'un simple phénomène de mode, elle attire énormément de femmes et reste ancrée dans les mentalités. Elle continue d'abîmer les corps, mais aussi les esprits, des femmes africaines.

Dans une lettre ouverte adressée aux industries africaines spécialisées dans la dépigmentation de la peau, la chanteuse interpelle sur les conséquences néfastes des produits vendus quotidiennement aux africaines. "Frères et sœurs chimistes, il est temps de valoriser la couleur noire. Rendez-la forte, belle, souple et brillante. Misez sur des compositions à base de produits bio qui consisteront à rendre nos peaux ébène lumineuses, fermes, hydratées (...). Ces produits sont une honte pour le continent", écrit-elle ainsi.

La chanteuse souhaite également interpeller les africaines et les prévenir des nombreux dangers que provoque le blanchissement de la peau.

LA DEPIGMENTATION, UN ENJEU DE SANTE PUBLIQUE

La dépigmentation consiste en l'application sur tout le corps de plusieurs composés, par laits ou crèmes à base d'hydroquinone ou de gels à base de corticoïdes puissants. Elle peut également se faire via l'absorption de gélules ou par injection. Les femmes qui n’ont pas les moyens poussent jusqu'à s'imbiber d'eau de Javel. Et la liste des ravages est longue : cancers, infertilité, fragilité cutanée, brûlure grave de l'épiderme…D'un phénomène social, la dépigmentation est aujourd'hui devenue un drame sociétal.

Les Etats rwandais, ivoirien, kényan, sud-africain et ghanéen interdisent désormais l’utilisation et la vente de produits éclaircissant, mais dans les faits, les produits passent les frontières par tous les moyens. Et malgré les sensibilisations régulières effectuées par des ONG et des mouvements citoyens africains, la prise de conscience est lente parmi la population.

LA BEAUTE NOIRE VS LA DEGPIMENTATION

LA DEPIGMENTATION, ORIGINE DU PHENOMENE

Phénomène de mode, influence de l'entourage et de l'extérieur, traumatisme post-colonial, représentations bibliques, plusieurs facteurs sont souvent évoqués. Mais qu’en est-il réellement ? Qu’est qui pousse les femmes et les hommes à se lancer dans ce processus ? D’où ce phénomène vient-il ?

La dépigmentation de la peau daterait de la seconde guerre mondiale. Les militaires noirs américains, basés en Asie du Sud, ont découvert que les femmes asiatiques utilisaient des produits pour obtenir un teint laiteux et plus clair. Ils auraient « rapporté ces crèmes dans leurs bagages pour leurs sœurs, mères ou épouses en quête de nouveautés cosmétiques ». Les noires américaines auraient vite emboîté le pas aux Asiatiques, notamment pour éliminer des problèmes de résidus d’acné, de cicatrices, de taches ou pour unifier leur teint. Pas de débats sur la dépigmentation en Amérique, car l’usage de ces crèmes ne sert apparemment pas en général, à camoufler un problème d’identité. Sauf l’exemple de Michael Jackson, mais cela reste un cas à part.

Sur le continent africain, paradoxalement dans les pays où le concept de négritude est le plus exacerbé, la dépigmentation est devenue plus problématique. Surtout en Afrique francophone, au Sénégal et au Congo (où beaucoup d’hommes s’éclaircissent la peau également). Le phénomène de dépigmentation est apparu en Afrique à la fin des années 60. L’éclaircissement de la peau par différents procédés est désormais pratiqué dans plusieurs régions. C’est par les hôtesses de l’air puis des femmes d’affaires qui ont séjourné aux Etats-Unis, que les éclaircissants ont d’abord été introduits en Afrique, auprès d’une classe sociale privilégiée.

La dépigmentation s’est ensuite répandue dans les villages. Ce qui soulève un autre problème. Les produits cosmétiques à base d’hydroquinone, sont les moins chers donc beaucoup plus utilisés par celles qui n’ont pas de grands moyens. Leur utilisation requiert une préparation préalable de la peau pour accélérer l’éclaircissement et obtenir un teint uniforme. Pour cela, les plus démunies élaborent des mixtures pour le moins « décapantes ». Les femmes utilisent de l’eau de javel pour se frotter la peau dans le but d’éliminer la mélanine [[Cellules qui produisent du pigment noir et protègent la peau contre les rayons solaires et les cancers de la peau]] qui se trouve en surface, avant d’appliquer le produit qui se chargera de la destruction de la mélanine en profondeur.

Alors souci d’esthétisme, suivisme, méconnaissance ? Dans tous les cas, la dépigmentation volontaire ne concerne pas seulement la femme africaine même si elle est très répandue chez elle. Les asiatiques, les indiennes, les maghrébines, les afro-américaines et certaines antillaises la pratiquent également. Et pour les européens, c’est un autre problème : ils veulent à tout prix bronzer, devenir le plus noir possible. Ils se transforment en lézards de plage, s’exposent dangereusement aux rayons et aux coups de soleil. Crèmes auto-bronzantes, monoï, voir séances d’UV. Le monde à l’envers.

LA DEPIGMENTATION DANS LE MONDE

La dépigmentation volontaire est une tendance forte qui a pris place en Afrique, mais aussi en Asie et en Europe. Après les femmes, de plus en plus d'hommes s'y mettent. Même si la dépigmentation volontaire est une pratique majoritairement féminine, les hommes auraient également recours à ce type de produits. Contrairement à l'imaginaire collectif, le continent africain ne serait pas le seul concerné par la dépigmentation volontaire. En Asie, par exemple, et plus spécifiquement en Inde, les campagnes publicitaires vantant les mérites des produits éclaircissants ciblent de plus en plus les hommes. Un article publié sur le site de France 24 rapporte que « le marché de la cosmétique a gonflé de 40% ces dernières années, avec une crème éclaircissante en première place ». Dans ces publicités, la peau blanche est souvent associée à la réussite professionnelle et sentimentale.

Article by Virginie Palmier

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